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Conférence plénière


De la maladie rénale chronique aux maladies rares phosphocalciques : croiser les regards pour mieux comprendre la physiopathologie 

La découverte du facteur de croissance fibroblastique 23 (FGF23) en 2000 a révolutionné la compréhension du métabolisme phosphocalcique, qui a pour objectif d’assurer l’homéostasie de deux ions (calcium et phosphore) par trois hormones (vitamine D, parathormone PTH et FGF23), avec des régulations et des boucles de contre-régulation multiples.

La maladie fréquente associée à une augmentation secondaire du FGF23 (avec hyperphosphatémie) est la maladie rénale chronique (MRC). L’utilisation du modèle MRC a permis de montrer que le FGF23 a des effets opposés à ceux de la vitamine D sur la santé globale, avec notamment des effets systémiques cardiovasculaires, immunitaires, inflammatoires et neuronaux induisant chez les patients avec MRC un excès de morbi-mortalité. Très rapidement, la question s’est posée d’inhiber le FGF23 chez ces patients, mais l’inhibition du FGF23 en situation de MRC stimule la vitamine D, et finalement augmente la mortalité dans les modèles animaux, ce qui a stoppé tout développement clinique ultérieur…

C’est ainsi que l’inhibition du FGF23 par anticorps monoclonal a ensuite été explorée pour une maladie génétique rare avec un excès primaire de FGF23 (avec hypophosphatémie), l’hypophosphatémie liée à l’X (XLH), et ce avec succès puisque l’utilisation du burosumab est autorisée chez l’enfant de plus de 1 an en Europe depuis 2018. En parallèle de l’amélioration significative de la prise en charge des patients avec XLH, il reste néanmoins de nombreuses inconnues sur la physiopathologie du XLH, une maladie certes phosphocalcique et squelettique, mais également systémique puisque les patients présentent une tendance à l’obésité, aux enthésopathies et à l’hypertension artérielle.

En se servant des données consolidées de physiopathologie du FGF23 en situation de MRC, nous avons émis l’hypothèse que les effets systémiques du FGF23 observés en MRC sont également observés, au moins partiellement, en situation de XLH. Nous avons ainsi montré un profil inflammatoire particulier chez ces patients. En partant de l’observation que l’autotaxine, une enzyme secrétée avec une activité lysophospholipase D, avait un rôle à la fois dans l’homéostasie osseuse et l’obésité, nous avons émis l’hypothèse que l’autotaxine était dérégulée dans le XLH. Cette hypothèse a été confirmée dans une cohorte clinique, puis confirmée in vitro dans des modèles cellulaires ostéoblastiques. En partant d’une maladie rare, nous décrivons donc une nouvelle cible du FGF23, l’autotaxine, qui est également contrôlée par la vitamine D et la PTH.

En conclusion, ces approches physiopathologiques transposant les connaissances des maladies fréquentes aux maladies rares permettent d’ouvrir la porte à des approches de médecine personnalisée. Pour un médecin prenant en charge des patients avec maladies rares, l’apparition d’une complication inhabituelle doit interpeler, et faire proposer des stratégies de recherche pour comprendre la physiopathologie sous-jacente et éventuellement identifier de nouvelles cibles thérapeutiques. La validation de tout un modèle animal peut également se baser sur l’observation spécifique d’un « seul patient rare ». La curiosité est souvent un vilain défaut, mais pas en sciences !


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Justine Bacchetta est Professeure de néphrologie pédiatrique à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et spécialiste des atteintes osseuses causées par les maladies rénales rares. Chercheuse au LYOS, elle s’attaque à ces maladies génétiques qui touchent des enfants dont le quotidien s’en trouve lourdement impacté.

 



 

 

 

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